Les origines de Fontaine Etoupefour remontent à 1000 ans environ, ce qui justifiait le titre proposé pour le spectacle de juin 1999, "Fontaine, mille ans sous les étoiles ".
Sur la période antérieure nous ne disposons que d’indices : des haches préhistoriques, une villa gallo-romaine occupée du 1er au Vème siècle selon les fouilles archéologiques effectuées à proximité de l’actuel château, enfin, le chemin "haussé ", à la frontière ouest de la commune, seule trace visible de ce lointain passé.
Vers le XI-XIIème siècles, Fontaine Etoupefour s’affirme avec l’édification d’une ou plusieurs mottes castrales sur le site du château. Ces ouvrages fortifiés bénéficient d’une défense renforcée grâce à de larges douves alimentées par des eaux captées. Plus au nord, sur la même ligne de source, s’établit le village avec son église dédiée à Saint Martin. Les abbayes du Plessis Grimoult, de Fontenay et de Cordillon semblent avoir participé à sa construction.
Au XIIIè siècle, un seigneur, Jean de Falaise, possède, en fief, les terres de "Bananville " qui s’étendent, semble-t-il, autour du château et sur Eterville. Un parchemin nous précise les charges des paysans qui y vivent en 1285. Il est étonnant de retrouver ainsi des noms comme "Hervieu ", "Gournay " "Escogues "… qui figurent encore dans le Fontaine d’aujourd’hui. On y relève également les mentions d’un moulin et d’un four banal, ce dernier se situait, selon le cadastre de 1826, à l’intersection de nos rues du Moulin et… du Four !
Un personnage prestigieux de Caen, Nicolas Le Valois d’Escoville- le magnifique hôtel qu’il fit édifier, vers 1530, face à l’église saint Pierre porte son nom - acquiert la seigneurie de Fontaine. Il s’y retirait pour, semble-t-il, se livrer à des expériences d’alchimie en utilisant pour cela un four bien "étoupé ", c’est à dire hermétiquement clos. Son fils, Louis, converti au protestantisme, entreprit de compléter le "châtelet " dont l’actuel pavillon d’entrée sert de logis au comte et à la comtesse Henry Jégou du Laz, descendants des Le Valois d’Escoville, par la construction, en 1583, d’une vaste demeure appuyée au sud contre une tourelle d’angle qui subsiste. Ce corps d’habitation fut partiellement démoli il y a un siècle et demi à la suite d’un incendie.
A l’époque de Louis Le Valois, dans les années 1570-1585, Fontaine connut, comme partout dans le royaume, des affrontements d’origine religieuse. La Réforme toucha l’Université de Caen, et séduisit certains milieux aristocratiques et bourgeois. Des aspirations plus individualistes, sensibles jusque dans les campagnes, remettaient en cause la cohésion sociale, bousculant les idées, voire menaçant l’ordre économique. Agressions verbales, violences physiques conduisent des catholiques influents comme le comte de Matignon, gouverneur de la province ou Charles de Bourguéville, magistrat caennais, à tempérer les ardeurs. L’assassinat du chef de la Ligue catholique, François de Guise, puis l’accession au trône du protestant Henri de Navarre, devenu roi catholique sous le nom de Henri IV, ramènera le calme avec la promulgation de l’Edit de Nantes.
La situation s’améliore peu à peu. L’église de Fontaine s’enrichit, en 1621 d’un superbe tableau qui représente une crucifixion entourée de Saint Martin et de Saint Sébastien. On honore les statues de saint Laurent et de l’énigmatique saint Hermès. Au cours du règne de Louis XIV, la seigneurie est transmise par mariage à la famille Le Vicomte de Blangy. Un dessin de 1669 décrit leur demeure, un imposant ensemble fortifié avec pont-levis et tours d’angle. Au-delà, des dépendances devaient comprendre une chapelle sans doute, un colombier et même, plus tard, raffinement du siècle des Lumières, une glacière ! Les traces de ces éléments ne sont plus visibles mais leur existence est attestée par le nom de parcelles répertoriées dans un relevé d’arpentage de 1790.
A la fin du XVIIIè siècle, la situation se dégrade à nouveau. Un représentant de la paroisse signale, non sans emphase, en octobre 1788 que "les habitants de cette paroisse sont pauvres, et il en est peu parmi eux qui soient capables de faire valoir plus d’une acre de terre. Ce sont pour la plupart des maçons, couvreurs, charpentiers et gens de journée dont le travail des mains ne suffit pas toujours aux besoins de leurs familles nombreuses. Et pour comble de malheur, une longue maladie épidémique… les a presque tous réduit dans la plus affreuse misère. Nonobstant les secours que le Marquis de Blangy leur a fait donner et les soins qu’a pris d’eux le vigilant pasteur qui gouverne cette paroisse, plusieurs d’entre eux y ont péri, laissant femmes et enfants pour ainsi dire sans aucune ressource et ceux qui se sont échappés des bras de la mort, ne seront d’ici à longtemps en état de pouvoir travailler ".



Le marquis de Blangy cité ci-dessus n’est autre que Maximillien, dernier Grand Bailli du Cotentin. Il est enterré à Fontaine le 26 août 1789. Son fils, Pierre Henri a épousé en 1784 une dame de compagnie de la sœur du roi Louis XVI.
Le pillage, au cours du printemps 89 de la ferme du château indique des tensions profondes. La révolution s’efforce d’offrir des solutions.
A Fontaine, en 1794, la municipalité procède, de façon apparemment démocratique et consensuelle, à la redistribution des terres communes au profit de 132 familles, c’est-à-dire la quasi-totalité de la population. Ces terres de la Bruyère, situées aux confins de Baron, servaient jusqu’alors de pâturage commun pour le bétail de chaque famille. Désormais, on se retrouve propriétaire chacun d’une parcelle. La cérémonie républicaine du partage en delles portant des noms révolutionnaires, n’est en fait qu’un culte à la propriété individuelle qui n’atténue guère les clivages sociaux.
Lorsque au milieu du XIXè, la population atteint son effectif le plus élevé, autour de 660 habitants, l’activité économique a bien du mal à faire vivre les dentellières, les paveurs et autres carriers. Des métiers disparaissent. Pour 209 dentellières recensées en 1851, on n’en comptait plus que 13 en 1896 ! La diffusion des machines agricoles, le chemin de fer et l’attraction des villes, l’invasion des produits industriels provoquent, à Fontaine comme ailleurs, un exode rural massif. Tout cela nourrit les conversations les jours de grande lessive ou de battage.
Après la guerre 1914-1918, la situation semble encore s’aggraver : de moins en moins d’enfants sur les bancs de l’école, et durant ces "années folles ", un sentiment d’insécurité s’accroît pour tous. Juillet 1944, nouveaux drames, Fontaine et son château sont placés au cœur de l’opération "Jupiter " et des combats pour le contrôle de la cote 112. Ces tragiques événements ont été relatés lors du spectacle de juiin 1999 grâce aux recherches conduites par le Comte Henry du Laz qui, à partir de multiples témoignages et documents, en a reconstitué la trame avec cette même minutie qu’il a adoptée pour établir l’historique de sa famille et restaurer le château que celle-ci lui a transmis. Cette restauration en cours s’opère par l’intermédiaire de l’Association pour la Renaissance du Château de Fontaine Etoupefour (A.R.CH.ET.).
Notre Fontaine actuel, avec ses vieux murs criblés d’impacts, ses demeures anciennes et ses fermes reconstruites dès l’après- guerre, avec ses quartiers neufs et son nouveau centre commercial, avec ses équipements scolaires et culturels modernes, son plateau sportif attrayant affirme sa vitalité, en particulier à travers les activités de ses nombreuses associations. Un tel dynamisme suppose des racines profondes. L’héritage de mille ans d’histoire est de nature à fonder, chez tous les Stoupefontainois, un solide et indispensable sentiment d’identité collective.
André Nové